Rubik's Cube : la marque tridimensionnelle validée

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marque communautaire n°162784
La marque tridimensionnelle ci-dessus portant sur la forme du Rubik’s Cube et désignant en classe 28 des puzzles en trois dimensions est valable, selon un arrêt de la 4ème Chambre B de la Cour d’Appel de Paris.Est ainsi confirmé le jugement rejetant la demande d’annulation de la marque communautaire n°162784, formulée par une société qui avait commercialisé des cubes similaires au fameux Rubik’s Cube.

L’appelante soutenait que « la forme du Rubik’s Cube, déposée à titre de marque, est indissociable de l’effet technique et que par ailleurs, l’invention de Monsieur Rubik a déjà fait l’objet d’un brevet en Hongrie (…) en 1975« , brevet -arrivé à expiration- qui démontrerait l’effet technique du jeu.

Or selon l’article 7 e 3 du Reglement sur la Marque Communautaire, ne peut être enregistré comme marque le « signe constitué exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit« . La nullité de la marque était donc requise (via l’article 51).

Second argument en faveur de la nullité : l’invention couverte par le brevet étant tombée dans le domaine public, le Rubik’s Cube serait donc libre de commercialisation. Le dépôt de la marque tridimensionnelle viserait à obtenir une protection nouvelle et serait donc abusif.

Une précédente affaire avait conduit les tribunaux à examiner une situation similaire à propos de la validité d’une marque constituée par la forme d’une brique de jouet Légo, sur laquelle portait un brevet, expiré depuis. Dans cette affaire, la Cour de Cassation avait rendu un arrêt (Com. 7 octobre 1997, sté Légo c/ sté Fryd, pourvoi n°95-15.859) motivé comme suit :

« (…) la société Kirkbi revendique la protection au titre de la marque d’une brique se caractérisant par sa forme de parallélépipède et la présence de tenons de section circulaire et de faible hauteur par rapport à la hauteur du corps de la brique, ensuite que, deux brevets, pour lesquels la protection légale est expirée, ont décrit la forme de parallélipipède présentant certaines caractéristiques de structures de bloc ou de brique parmi lesquelles se trouve la forme cylindrique des bosses et tenons ainsi que leur disposition; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu déduire que la structure décrite par les brevets avait un caractère fonctionnel donnant un aspect extérieur déterminé ce dont il résultait que cette forme comportant un effet technique et étant nécessaire ne pouvait pas être déposée à titre de marque; » (gras ajouté)

En l’espèce, la solution à laquelle on aboutit est différente, sans que la motivation de l’arrêt ne fasse référence à la nature exacte de l’invention décrite par le brevet (aucune des parties ne semble avoir précisément visé le contenu du brevet).Pour les juges « la forme extérieure est étrangère à la fonction de l’objet et à son mécanisme intérieur« , en témoigne le fait que le puzzle de la société Seven (titulaire de la marque en jeu) a été commercialisé « sous six formes différentes (cube, sphère, double pyramide ajourée, volume à double face et serpent)« 1. La marque en cause n’est, selon les termes des magistrats, « qu’une variété de puzzle à trois dimensions« . Elle a donc été valablement enregistrée par l’OHMI.

On notera également que l’arrêt considère que l’aspect du Rubik’s Cube est original et donc protégeable par le droit d’auteur : toujours selon les juges, « l’apparence du Rubik’s Cube résulte indéniablement d’un choix arbitraire, en particulier des couleurs et du nombre des éléments mobiles« , qui, selon l’expression consacrée, reflète « la personnalité de son auteur« .

Réf. : CA Paris 7 avril 2006 (arrêt disponible sur le site de l’OHMI).

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1 On peut par exemple voir sur ce site des « cubes magiques » selon d’autres configurations. Et dans cette boutique, un Rubik’s Cube en forme d’Homer Simpson.

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Marque et rentabilité

« Une entreprise manageant activement sa marque est en moyenne deux fois plus rentable que ses concurrentes ».

Source : L’Expansion (31 mai 2006), citant le résultat d’une étude menée par Booz Allen Hamilton.

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Acte II dans l'affaire Eurostar.eu

Après l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Paris en janvier, publiée en exclusivité et commentée dans ces colonnes, c’est au tour de la Cour d’Arbitrage Tchèque de se prononcer sur le litige qui oppose le réseau ferré européen au diamantaire anversois Eurostar Diamond Traders BV (EDT) au sujet de l’attribution du nom de domaine eurostar.eu.
Saisie dans le cadre d’une procédure ADR (Alternative Dispute Resolution) de type Sunrise Appeal Period engagée contre la décision d’EURid, la Cour s’est prononcée en faveur du registre et a rejeté la plainte.

Eurostar Ltd invoquait le non respect de l’accord de coexistence signé en 2004, interdisant l’exploitation par EDT de la dénomination EUROSTAR isolément, à titre de marque, et soutenait que la société belge ne disposait d’aucun droit antérieur lui permettant de revendiquer l’octroi du nom de domaine.

Reprenant l’argumentation développée en défense par EURid – la société EDT n’étant pas partie à la procédure – le panel de trois experts considère au contraire que la marque complexe EUROSTAR invoquée par EDT à l’appui de sa demande prioritaire de nom de domaine répond aux exigences fixées par les règles d’enregistrement du « .eu » en période sunrise.

Eurostar

La Cour fait ici une stricte application des dispositions de l’article 19.2 des règles sunrise selon lesquelles un droit antérieur peut être constitué par une marque figurative ou complexe dès lors notamment que l’élément nominatif est prédominant et clairement détachable de l’élément figuratif.

Sur la question du non respect de l’accord de coexistence, dont il résultait selon Eurostar Ltd un enregistrement de mauvaise foi, la Cour estime qu’elle se situe hors du champ d’application de la procédure ADR sunrise appeal period, le registre n’étant pas en mesure d’évaluer la convention au moment de l’enregistrement du nom de domaine.

La Cour ajoute qu’il appartenait au demandeur de signaler à EURid que l’enregistrement litigieux était intervenu en violation d’un accord contractuel, afin que le registre puisse entamer une procédure spécifique prévue à l’article 20 du Réglement communautaire du 28 avril 2004.

Or, ce texte n’envisage que des cas d’auto-saisine du registre. C’est là l’unique incongruité d’une décision par ailleurs conforme aux textes.

La suite de cette affaire se déroulera au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Paris où les parties se retrouveront pour plaider dans quelques semaines.

En savoir plus :

Décision ADR00012 Eurostar UK Ltd ./. EURid

Commentaire de l’affaire en Anglais par Cédric MANARA sur son blog

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Licéité du blocage de noms de domaine par l'AFNIC dans l'affaire KLTE

Dans un article publié sur Juriscom.net, Alexandre Nappey et le Professeur Cédric Manara (auteur du blog Nom de Domaine!) reviennent sur un aspect marquant d’une affaire de « typo-squatting » massif.

Par une ordonnance de référé du 25 avril 2006, le Tribunal de grande instance de Versailles a en effet jugé licite le blocage par l’AFNIC de 1296 noms de domaines réservés par la société KLTE.

Le blocage de noms litigieux par l’AFNIC est jugé licite
par Cédric Manara et Alexandre Nappey
Lire l’article sur Juriscom.net

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"Tout peut arriver": histoire d'un conflit entre droit de marque et titre d'oeuvre cinématographique

Dans une affaire opposant la société Planète Prod à la société Warner Bros France, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée d’une part sur la validité de la marque TOUT PEUT ARRIVER et d’autre part, sur la possibilité de s’opposer à son utilisation par un tiers comme titre d’une oeuvre cinématographique.

En l’espèce, la société Planète Prod est titulaire en France de la marque TOUT PEUT ARRIVER, enregistrée notamment pour des services de « diffusion de programmes de télévision, divertissements télévisés, production de spectacles, de films ».

Elle a produit en 2003 une série d’émissions de divertissements intitulée TOUT PEUT ARRIVER, diffusée sur la chaîne de télévision France 2.

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Postérieurement, est sorti en France le film TOUT PEUT ARRIVER (SOMETHING’S GOTTA GIVE) distribué par la société Warner Bros France.

Estimant que la reprise de la dénomination TOUT PEUT ARRIVER constituait une atteinte à ses droits de marque, la société Planète Prod a assigné la société Warner Bros France en contrefaçon.

Invitée à se prononcer sur la validité de la marque TOUT PEUT ARRIVER, la Cour d’appel de Paris rappelle que le caractère distinctif d’un signe doit s’apprécier par rapport aux produits et services désignés dans l’enregistrement, indépendamment de l’exploitation qui en est faite.

La société Warner Bros France prétendait en effet que cette marque n’était pas distinctive au regard du contenu et du thème de l’émission de divertissement diffusée sous ce titre.

En l’espèce, la Cour constate que l’expression TOUT PEUT ARRIVER ne désigne aucunement une caractéristique des produits et services visés au dépôt et rejette l’argument.

Elle estime également infondé l’argument selon lequel la dénomination TOUT PEUT ARRIVER est couramment utilisée pour désigner des titres de film, d’émission radiographique ou télévisuelle, faute pour la société défenderesse de démontrer que cette dénomination constituait la désignation exclusive de programmes audiovisuels.

La marque étant valable, la Cour se prononce ensuite sur l’existence d’actes de contrefaçon, du fait de l’utilisation de l’expression TOUT PEUT ARRIVER par la société Warner Bros France.

La Cour vient rappeler les conditions d’exercice du droit de marque :

« Au vu des principes dégagés par la Cour de Justice des Communautés Européennes, l’exercice du droit de marque est réservé aux cas dans lesquels l’usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ».

En l’espèce, la Cour retient que l’usage de l’expression TOUT PEUT ARRIVER par la société Warner Bros France ne constitue pas un usage à titre de marque désignant un produit ou un service, mais désigne et identifie une oeuvre cinématographique.

La Cour relève notamment « qu’il importe peu que cette oeuvre s’incarne dans des objets corporels, tels un vidéogramme, un phonogramme du commerce, un jeu concours, un site internet, dès lors que le titre du film (…) n’individualise pas ces supports, mais l’oeuvre elle-même ».

Ainsi, selon la Cour, l’utilisation par la société Warner Bros France de la dénomination TOUT PEUT ARRIVER comme élément du titre de film TOUT PEUT ARRIVER (SOMETHING’S GOTTA GIVE) ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque antérieure, à savoir garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque.

La Cour rejette par conséquent l’action en contrefaçon.

Cette solution apparaît pour le moins surprenante. Si le titre d’un film identifie effectivement une oeuvre cinématographique, celle-ci est destinée à être exploitée commercialement en salles puis à travers des produits dérivés tels qu’un vidéogramme et à travers les diffusions télévisées postérieures dont elle fera l’objet.

Dans son arrêt du 25 janvier 2006, la Cour d’appel de Paris se réfère à la notion de fonction essentielle de la marque pour écarter l’oeuvre cinématographique désignée sous le titre litigieux de la sphère commerciale dans laquelle rayonne la marque antérieure.

Ainsi la Cour n’estime pas devoir apprécier globalement l’existence d’un risque de confusion et notamment à cet égard le lien de similarité pouvant exister avec les produits et services revendiqués par la marque antérieure.

L’exploitation commerciale du film TOUT PEUT ARRIVER (SOMETHING’S GOTTA GIVE) paraît pourtant de nature à créer un risque de confusion avec les produits et services offerts par la société Planète Prod, sous la marque TOUT PEUT ARRIVER. En l’espèce, le risque de confusion pouvait même sembler aggravé du fait de la reprise à l’identique de la marque antérieure.

La solution surprenante du présent arrêt a, il est vrai, déjà été retenue par la même formation en pareil cas.

Toutefois, dans un arrêt du 16 novembre 1993, la Cour avait reconnu que la reprise par un tiers, du terme « Ghostbusters » pour désigner un film second en date, portait atteinte aux droits de marque qui protégeaient le titre du film premier en date.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 4 avril 2006, a pour sa part reconnu que l’utilisation du prénom «Angélique» comme titre d’un film, portait atteinte à la marque «Angélique, marquise des anges».

Références: Cour d’appel de Paris, 25 janvier 2006
SAS Planète Prod c/ SA Warner Bros France

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