Dans un litige concernant l’usage d’une marque en liaison avec le système AdWords, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a condamné Google pour contrefaçon.
L’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence infirme un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice.
Plusieurs aspects de cet arrêt méritent d’être relevés, notamment sur des questions pour lesquelles la jurisprudence n’est pas encore harmonisée et stabilisée.
Alors qu’il existe une contradiction entre les solutions retenues par deux sections différentes de la Troisième Chambre du TGI de Paris quant à la recevabilité des actions engagées contre la société Google France en raison du rôle joué par cette dernière (sur ce point voir Juriscom.net), on note que la Cour d’Appel aixoise admet ici la recevabilité de l’action à l’encontre de l’entité française.
Sur la question de la contrefaçon de marque, l’arrêt estime que Google fait un usage de la marque dans la vie des affaire et qu’en conséquence l’atteinte est constituée à ce titre : la contrefaçon est retenue à l’encontre des sociétés Google Cette solution, qui était initialement retenue dans les premiers litiges sur les liens publicitaires, avait ensuite été abandonnée par certains tribunaux (voir « Citadines vs Google » sur le pMdM). Ici, la Cour considère :
« Que l’utilisation du programme AdWords fait que, en sollicitant le moteur de recherche Google, par une requête formée du mot-clef « Remote-Anything », choisi par des annonceurs, (mot-clef qui est une reproduction de la marque), il est déclenché l’affichage de liens commerciaux sponsorisés ; que ces liens renvoient à des sites de sociétés commercialisant des produits identiques à ceux commercialisés par la S.A.S. TWD Industries ; que l’usage, au sens de l’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle, « dans la vie des affaires », du mot-clef « Remote-Anything » en relation avec des produits de même nature que ceux protégés par la marque, grâce au moteur de recherche Google, sans l’autorisation du propriétaire de la marque, réalise la contrefaçon de la marque « Remote-Anything » ; en l’espèce, grâce à l’utilisation du moteur de recherche exploité commercialement par les sociétés Google, qui ont intégré une marque reproduite à titre de mot clef dans ledit moteur, des liens commerciaux sponsorisés sont affichés pour dévoiler des sites concurrents à celui de la S.A.S. TWD Industries. »
Le fait que les taches accomplies pour la fourniture de ses services publicitaires soient automatisées par des logiciels, n’exonère pas les sociétés Google de toute responsabilité. C’est ce que retient en substance la Cour, qui estime que ces sociétés
« (…) doivent répondre du choix qu’elles agréent, de mots-clefs (choix effectué par les annonceurs avec le concours des sociétés Google) et vérifier la mise en lien des liens commerciaux sponsorisés ne portent pas atteinte aux droits des tiers, sans pouvoir invoquer une soi-disant « impossibilité matérielles, juridique et économique » pour opérer une vérification « a priori » ; qu’un empêchement de cette triple nature, à le supposer établi, ne peut exonérer un opérateur économique de toute responsabilité, mais doit le conduire à renoncer à cette activité ou bien, s’il persiste à la poursuivre, à en assumer les conséquences. »
Le principe tel qu’énoncé ci-dessus apparait moins nuancé que la solution dégagée par la Quinzième Chambre du Tribunal de Commerce de Paris dans l’affaire Onetel / Olfo, Google, précédemment commentée sur Vox PI .
Sont en revanche écartées les qualifications de parasitisme ou de concurrence déloyale (en l’absence de faits distincts de ceux déjà condamnés au titre de la contrefaçon) et de publicité mensongère. Sur la notion de publicité mensongère, l’arrêt de la Cour d’Aix s’écarte des solutions retenues par exemple dans les affaires Belle Literie ou Gifam.
Le rôle actif joué par l’outil de suggestion de mots clés est considéré par les juges comme un élément renforçant la responsabilité des sociétés Google. L’arrêt relève que les défenderesses :
« ont recommandé la consultation « du Générateur de mots-clefs » ; que des annonceurs ont usé du service proposé par les société Google afin d’optimiser le choix de leurs mots-clefs et d’obtenir une fréquence d’affichage plus élevée de leurs liens commerciaux et ont arrêté leur choix en faveur du mot-clef litigieux : « Remote-Anything » à la suite de l’intervention active et intéressée des sociétés Google, qui sont rémunéré au nombre de « clic » effectués par les internautes sur les liens commerciaux sponsorisés qui sont affichés ; que par l’aide apporté aux annonceurs lors du choix des mots clefs pertinents, les sociétés Google qui ont participé à la reproduction de la marque déposée : « Remote-Anything » et à l’usage de cette marque reproduite ; qu’il importe peu que les sociétés Google aient rappelé aux annonceur de messages publicitaires dans les conditions générales des contrats, l’interdiction de porter atteinte aux droits des tiers, leurs responsabilité au titre de la contrefaçon, demeure parallèlement à celle des annonceurs. »
Le préjudice financier résultant de la contrefaçon est évalué par les magistrats à 15 OOO euros. La somme est limitée pour plusieurs raisons.
En premier lieu Google a bloqué le mot clé « remote anything » très peu de temps après avoir reçu l’assignation.
De plus, la société TWD Industries a attendu près de cinq mois avant d’intervenir, et ce directement par la voie judiciaire sans avoir recours aux procédures d’alerte mise en place par Google et sans mise en demeure préalable. La cour va même jusqu’à juger qu’ « en différant à l’excès l’engagement de la procédure [TWD Industries] a contribué à la réalisation de son propre préjudice« .
Les juges relèvent en outre que le chiffres d’affaires de la société TWD Industries ayant progressé, l’impact subi du fait de la contrefaçon reste relatif (il aurait été pour le moins intéressant d’avoir des élément chiffrés plus précis afin de pouvoir isoler l’influence de ce facteur sur les comptes de la société).
Documents de référence :
- Télécharger l’arrêt : CA Aix-en-Provence, 6 décembre 2007
- Voir également le jugement du TGI de Nice, 7 février 2006 (Forum des Droits sur l’Internet )