Bientôt 20 ans que Jacques Antoine a créé l’émission « Fort Boyard », dont le succès en France et à l’étranger ne s’est jamais démenti.
A l’heure de la télé-réalité, ce jeu d’épreuves est devenu une référence au point que certains s’en inspirent, parfois un peu trop.
Estimant qu’une séquence de l’émission 1ère Compagnie diffusée en 2005 constituait la contrefaçon de son jeu, le créateur et la société Adventure Line Productions, titulaire des droits d’exploitation de Fort Boyard ont assigné TF1 et la société So Nice Productions, filiale d’Endemol France.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a fait droit aux demandes dans un jugement du 5 mars 2008.
La séquence incriminée, intitulée « Fort Guyane » avait été diffusée une seule fois lors d’un prime time en février 2005. Les demandeurs incriminaient la reprise du générique de Fort Boyard, la présence de personnages évoquant ceux du jeu de France 2, et enfin l’utilisation de clés qui constituent l’objet de la quête des candidats.
Ces « emprunts illicites » constituaient selon le producteur de Fort Boyard des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale par dénigrement et de concurrence parasitaire pour lesquels il réclamait l’octroi de dommages et intérêts d’un montant cumulé de plus de 1 million d’Euros. Quant à Jacques Antoine, il sollicitait la condamnation sur le fondement de son droit moral pour un montant de 150 000 Euros.
L’originalité du jeu n’était pas contestée par les défenderesses qui invoquaient l’exception de parodie de l’article L122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, pour justifier les faits.
Appliquant les dispositions de l’article L113-7 du Code de la Propriété Intellectuelle, le tribunal retient la qualification d’oeuvre de collaboration pour l’émission Fort Boyard, se plaçant ainsi dans le sillage d’une jurisprudence bien établie à défaut d’être économiquement incontestable. Les juges balayent du même coup l’argument des défendeurs qui soutenaient que le producteur ne justifiait pas être cessionnaire des droits lui permettant d’intervenir.
On retiendra que la notion d’oeuvre audiovisuelle ne ressort pas expressément de la motivation du jugement qui s’inscrit par ailleurs dans la lignée des décisions en la matière alors qu’une partie importante de la doctrine estime que les investissements des producteurs devraient être mieux protégés.
Sur le fond, le tribunal rejette l’argument tiré de l’exception de parodie. Après en avoir rappelé les conditions dans les termes suivants:
« il est constant que pour être qualifiée de parodie l’oeuvre seconde doit avoir un caractère humoristique, éviter tout risque de confusion avec l’oeuvre parodiée et permettre l’identification immédiate de l’oeuvre parodiée.«
les juges considèrent que :
« l’intention des auteurs de « 1ère Compagnie » n’est pas humoristique et n’est pas de parodier l’émission Fort Boyard (…) Les emprunts sont uniquement parasitaires et ont pour but de tirer profit de la notoriété de Fort Boyard.«
En conséquence de quoi le tribunal retient les actes de contrefaçon et condamne So Nice Productions (producteur) et TF1 (diffuseur) à payer à Jacques Antoine 25 000 Euros en réparation de l’atteinte au droit moral, et 50 000 euros à Adventure Line Productions pour l’atteinte à ses droits patrimoniaux.
Les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire sont néanmoins rejetées, en l’absence de faits distincts ou de grief établi.
Plus d’informations:
TGI Paris 5 mars 2008 Jacques Antoine, S.A. Adventure Line Productions, Société Alp Music intervenante volontaire ./. Société Endemol France, société So Nice Productions, société Télévision Française 1 “TF1″