A quel moment, en France, une protection provisoire peut-elle être accordée à une demande de brevet publiée dans une langue étrangère ?
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Une récente ordonnance du Juge de la Mise en Etat du TGI de Paris du 13 Mai 2016, publiée au PIBD 1057, III, pages 740 à 742, mérite que l’on s’y attarde car il y a peu de jurisprudences traitant du sujet de la protection provisoire accordée par la publication des demandes de brevet.
Dans l’affaire en question, une demande de brevet internationale (PCT), rédigée et publiée en Allemand, a conduit à la délivrance d’un brevet Européen. Son titulaire demande, obtient, et fait réaliser une saisie contrefaçon, puis attrait l’un concurrent de ces concurrents, devant le TGI de Paris, pour contrefaçon de son brevet.
Le titulaire a bien assigné le concurrent sur la base de son brevet délivré, validé et en vigueur en France, mais il semble confondre la date à laquelle le brevet produit ses effets avec la date à laquelle il peut exercer ces droits.
En effet, la question essentielle dans cette affaire porte sur la protection provisoire accordée en France par la publication en Allemand de la demande internationale, et en particulier l’articulation des dispositions des articles L614-9 CPI et R614-11 CPI, en combinaison avec l’article L615-4 CPI, à savoir : à quel moment, en France, une protection provisoire peut-elle être accordée à une demande de brevet publiée dans une langue étrangère ?
De façon tout à fait classique, la publication Européenne a été remplacée par la publication internationale par l’effet de l’Article 158(1) CBE.
En France, une telle publication permet au titulaire de se prévaloir d’une protection provisoire, conformément L164-9 CPI. Toutefois, dans le cas d’une publication dans une langue étrangère, cette protection provisoire est soumise à la condition de dépôt de la traduction des revendications en Français et leur publication par l’INPI, conformément à R614-11 CPI.
Par conséquent, et comme l’article L164-9 CPI vise expressément l’Article L615-4 CPI, qui est une exception à l’Article L. 613-1 CPI, tous les faits commis par le concurrent entre la date de publication en Allemand de la demande de brevet et la publication par l’INPI de la traduction en Français des revendications ne pourront pas être considérés comme contrefaisants.
Par extension si le titulaire n’a pas effectué les démarches prescrites, tous les actes commis entre la publication de sa demande de brevet et la délivrance du brevet ne pourront être considérés comme étant des contrefaçons.
Cette protection provisoire, prévue par les dispositions du PCT, de la CBE, du CPI, mais également par la majorité des législations nationales, semble être trop souvent méconnue ou négligée par les déposants
Ainsi donc, omettre d’effectuer les démarches administratives prescrites expose le titulaire au risque de ne pas pouvoir faire condamner un potentiel contrefacteur pour la période s’étendant de la publication de la demande de brevet à la délivrance du brevet.
A noter, que cette ordonnance a également l’intérêt de rappeler que la preuve objective d’un droit de possession antérieur peut être apportée par une constatation faite par huissier, conformément à l’Article 771, 5e du CPC.
Source : PIBD, 1057 III p740-742