Il faut l’avouer, la propriété industrielle est une discipline qui n’est pas toujours tendre avec nos cordes vocales. Nous l’illustrons aujourd’hui avec une affaire qui concerne le géant PEPSI et la prononciation de sa marque.
Le 14 janvier dernier, le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI a été saisi d’une plainte UDRP au nom de la société PepsiCo, Inc. qui exploite la marque notoire de boisson PEPSI (action D2011-0016). La plainte en question porte sur les noms alpepsi.com, bebsi.com et bebsi.net enregistrés au nom d’un individu de nationalité saoudienne (Abdulah Shmre).
bebsi.com et bebsi.net sont respectivement exploités depuis 2003 et 2006 .
Les règles d’application de l’UDRP n’interdisent pas de soumettre une plainte qui porte sur plusieurs noms de domaine (sous réserve d’identité de registrant). Reste que l’on est en droit de se demander si PepsiCo, Inc. a vraiment du temps et de l’énergie à consacrer aux noms bebsi.com et bebsi.net qui ont pourtant la dégaine de mauvais typosquatting ?
La première explication de ce choix est juridique : au regard du règlement UDRP, il est extrêmement judicieux d’ajouter ces deux noms dans la plainte. La démarche facilite la preuve de la mauvaise foi du défendeur.
La seconde explication est pratique. En soumettant une plainte pour ces trois noms de domaine, PepsiCo, Inc. pourrait faire d’une pierre deux coups :
- d’une part en faisant cesser le préjudice dont la compagnie est victime,
- d’autre part en transférant à PepsiCo, Inc. deux noms de domaine avec un fort potentiel marketing, le tout à moindre frais.
Et pour cause : la marque PEPSI se prononce de différentes manières selon la langue et la région.
Tout est question de phonétique. Si vous êtes francophone, il y a des chances pour que vous disiez « PEPSI« , les hispanophones se sentent plus à l’aise avec la prononciation « PESSI », les argentins, eux dirons « PECSI » alors qu’en Arabie Saoudite et au Liban, la prononciation ressemble plutôt à… « BEBSI » (comme dans bebsi.com et bebsi.net).
Historiquement, PepsiCo a déjà illustré l’intérêt de cultiver et de jouer sur ces particularismes locaux au point d’en faire un véritable argument marketing.
L’action par voie d’UDRP dispense le géant du soda d’un laborieux exercice d’alpinisme juridique auprès d’ENOM, INC. et d’une longue et couteuse action judiciaire devant les juridictions saoudiennes.
En l’espèce, l’action D2011-0016 est une occasion toute trouvée d’obtenir le transfert des deux noms de domaine en « bebsi » avant d’en faire des points de communication privilégiés pour la clientèle arabophone de PEPSI.
Cette action devant l’OMPI est une première pour la société américaine qui s’était jusque là cantonnée à agir lorsqu’un nom de domaine incorporait le signe PEPSI à l’identique stricte.
L’immense notoriété de la marque PEPSI ne laisse a priori pas beaucoup de marge de défense aux exploitants des noms en litige. Toute l’inspiration lyrique de la partie adverse risque de ne pas suffire à démontrer sa bonne foi. Si la procédure ne trouve pas de résolution amiable, nous vous proposerons un prochain article sur la décision, qui devrait intervenir dans les prochaines semaines.
L’avenir nous dira également si les titulaires des noms de domaine pesci.com.ar1 et pesci.co2 ont du souci à se faire.
D’ici là, nous vous proposons un exercice de diction avec les marques suivantes, si facilement prononçables dans leurs langue et dialecte d’origine :
- Hewlett-Packard
- Hoegaarden
- Staedtler
- Stoeffler
- Häagen-dazs
- Schwarzkopf
- Soehnle
- Moskovskaya
Pour approfondir le sujet :
http://www.gradueshec.ch/ (pdf sur le site HEC Gradués Lausanne)