Au moment où le célèbre constructeur automobile Peugeot lançait son premier 4×4 urbain (ou Crossover dans le jargon automobile) identifié sous le numéro 3008, l’un de ses concurrents directs sur ce segment, le japonais Nissan, entamait une campagne d’affichage publicitaire de grande envergure et des plus inattendues.
Ces affiches consistent en un faire-part de naissance annonçant :
« Nissan, précurseur du Crossover en France, est heureux d’apprendre que la famille s’agrandit et souhaite la bienvenue au 3008, le Crossover de Peugeot. Qashqai, Qashqai +2 et Murano »
Ce faire-part est suivi des signes distinctifs de Nissan (son logo et le slogan SHIFT_the way you move / Autrement_mobile) et de l’adresse du site internet www.lemeilleurdesdeuxmondes.com sur lequel sont présentés les véhicules Qashqai, Qashqai +2 et Murano, les propres 4×4 urbains de la gamme Nissan.
Cette campagne publicitaire est intervenue dans un contexte particulier où la presse automobile n’avait de cesse de procéder à des comparatifs entre le nouveau Peugeot 3008 et les 4×4 urbains de référence sur le marché, les Qashqai, Qashqai +2 et Murano de Nissan.
Ce dernier a donc voulu, par un clin d’œil habile, asseoir la position de ses véhicules sur le marché des 4×4 urbains face à la concurrence du nouveau modèle.
Cette initiative, assez inhabituelle de la part d’un constructeur automobile, n’est pas sans soulever des interrogations sur la validité de l’usage de l’identifiant de l’un des véhicules de Peugeot dans une publicité qui, de manière indirecte, vise à assurer la promotion des véhicules de la gamme de Nissan en dirigeant les consommateurs vers le site internet www.lemeilleurdesdeuxmondes.com.
La campagne de Nissan ne devrait-elle pas alors être qualifiée de contrefaisante au sens du Code de la Propriété Intellectuelle ?
Selon l’article L. 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation de son titulaire, l’usage d’une marque reproduite pour désigner des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.
Ainsi, l’usage de la marque enregistrée au nom d’un tiers dans une publicité par assurer la promotion de produits identiques tombe sous le coup de l’article L. 713-2 du Code de la propriété Industrielle.
Cet usage est donc normalement interdit.
En l’espèce, la reproduction de la marque PEUGEOT 3008 dans la publicité litigieuse pourrait n’être vue que comme un usage purement informatif excluant toute démarche mercantile de la part de Nissan. Dans cette hypothèse, il n’y aurait pas d’atteinte à la marque de Peugeot.
En revanche, on pourrait considérer que Nissan utilise la marque PEUGEOT 3008 de son concurrent dans la vie des affaires, à savoir dans le cadre d’une démarche de promotion en faveur de ses propres véhicules automobiles ayant pour but d’attirer ou tenter d’attirer les consommateurs vers son enseigne.
Le fait que la démarche de Nissan ne présente aucun caractère dénigrant ou diffamatoire à l’égard de Peugeot ou du véhicule 3008 n’est pas de nature, en tout cas, à faire échapper à cette qualification.
Cependant, parmi l’une des exceptions que connaît le droit des marques est le cas de la publicité comparative.
Cette pratique consiste pour un annonceur à mentionner implicitement ou explicitement l’un de ses concurrents en citant, sans l’autorisation de ce dernier, l’une de ses marques ou l’un de ses identifiants commerciaux pour assurer la promotion de produits ou de services qui ne sont pas ceux du concurrent en question.
En droit français, l’article L. 121-8 du Code de la Consommation organise le régime de publicité comparative qui, comme toute exception, est encadrée par des conditions très strictes.
Ces conditions sont :
- de ne pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
- de porter sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
- de comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.
Or, il est patent qu’on ne peut pas parler de publicité comparative dans le cas de la publicité de Nissan laquelle n’opère aucune comparaison avec le modèle 3008 de la marque au Lion. La troisième condition de réalisation de la publicité comparative n’est donc pas remplie.
Dès lors, le régime de la publicité comparative ne semble pas pouvoir s’appliquer au bénéfice de la campagne de Nissan, l’annonceur se contentant d’utiliser l’identifiant du véhicule concurrent dans un cadre publicitaire.
Cela étant, quand bien même Nissan aurait utilisé sa publicité pour mettre en parallèle ses véhicules avec le Peugeot 3008, il est permis de s’interroger sur la licéité de cette tentative au regard du critère de la comparaison objective.
En effet, il ne s’agit pas là de comparer le prix d’un paquet de douze yaourts de même marque dans deux enseignes de distribution différentes, comme on a pu le voir avec la campagne « qui est le moins cher » à l’initiative de la société E. Leclerc.
Nous nous trouvons face à la comparaison de deux véhicules de deux marques différentes qui, certes appartiennent tous deux à la catégorie des 4×4 urbains, mais se différencient nécessairement par leur esthétique, leur motorisation, leur niveau de finition…
Par conséquent, il est possible que la publicité, comparative ne soit pas adaptée à la comparaison de deux automobiles.
Toujours est-il que, interrogé sur la campagne litigieuse, le Directeur de la Communication de la société Peugeot, Monsieur Marc Bocque, a fait savoir qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que Nissan utilise le signe 3008 dans sa publicité dès lors qu’elle profite à la promotion du nouveau véhicule Peugeot.
On pourrait voir dans cette déclaration un consentement du titulaire de la marque donné à posteriori à Nissan et validant ainsi un usage du signe 3008 qui, en temps normal, aurait pu être considéré comme illicite.