La protection d’une création (originale) par le biais des droits d’auteur naît de la seule réalisation de ladite oeuvre. Aucun formalisme n’est exigé du créateur pour bénéficier de ses droits (patrimoniaux et moraux) sur sa création. Cette absence de formalisme est a priori une facilité et un bienfait pour l’auteur, dont l’oeuvre est protégée sans autre condition que celle d’originalité.
Cependant, lorsqu’il s’agit de se prévaloir de ses droits vis à vis de tiers, l’auteur peut se trouver confronté au problème de la preuve de sa qualité d’auteur. Il peut alors utilement invoquer l’article L 113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle disposant que "la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui (…) sous le nom de qui l’oeuvre est dévoilée" (ou l’article L 113-5 disposant pour "l’oeuvre collective). Ainsi, l’auteur est, jusqu’à preuve du contraire, celui qui divulgue l’oeuvre.
En l’espèce, la société Céline avait confié la conception de certains accessoires de sa collection Printemps-Eté 2001 (comprenant notamment des modèles de ceintures), à une créatrice exerçant son activité à titre libéral. Cette dame, une fois réalisées les prestations prévues au contrat conclu avec la société Céline (prestations très généralement définies), lui avait cédé l’intégralité de ses droits patrimoniaux. La société Céline prit également la précaution de déposer entre les mains d’un huissier de justice des classeurs (dont l’un portait la mention "accessoires femmes – collection Printemps-Eté 2001") contenant notamment la reproduction desdits modèles de ceintures. Puis, les modèles furent divulgués et mis sur le marché par Céline.
Découvrant qu’une tierce société commercialisait des modèles de ceintures identiques aux "siens", la société Céline (cessionnaire des droits patrimoniaux sur lesdites créations et divulgatrice) engagea contre elle une action en contrefaçon de ses droits d’auteur. Dans un excès de zèle, la créatrice, personne physique, s’est également jointe à l’action engagée, en arguant d’une atteinte à ses droits moraux. Erreur fatale !
La Cour d’appel de Paris, dans une décision du 29 octobre 2004 (confirmant le jugement du TGI de Paris du 23 juillet 2003), a estimé que ni la société Céline, ni la créatrice n’étaient recevables à agir en contrefaçon, car aucune n’apportait la preuve de la titularité de ses droits ou de sa qualité d’auteur des modèles de ceintures litigieux. En effet, dès lors que la société Céline prétendait tenir ses droits directement de la créatrice, elle ne pouvait être déclarée recevable à agir qu’à la condition que cette personne justifie elle-même de l’existence de ses propres droits en démontrant sa qualité d’auteur des modèles litigieux. Or, le contrat conclu entre la créatrice et la société Céline ne faisait état que de la fourniture d’une "gamme d’accessoires" (sans précisément désigner les modèles litigieux), d’une part, et les classeurs remis à l’huissier ne mentionnaient nulle part le nom de la créatrice, d’autre part.
Ainsi, la société divulgatrice ne pouvait se prévaloir de la présomption de propriété de l’article L 113-5 dès lors qu’elle prétendait tenir (sans pouvoir le démontrer !) ses droits de la créatrice, personne physique partie au conflit, elle-même incapable de démontrer sa qualité en raison d’un contrat de cession de droits trop imprécis.
Cette affaire donne l’occasion de rappeler qu’il convient d’être très précis dès lors qu’il s’agit de céder ou d’acquérir des droits de propriété intellectuelle, sous peine de déconvenue ultérieure.